Guerre longue, jeunesse courte : la génération Z face à la 4e révolution

Jean Frantzdy
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La guerre est là. Pas une guerre éclair. Pas un conflit de 72 heures avec fanfare télévisée. Une guerre longue, industrielle, systémique. L’Ukraine est son laboratoire. Gaza, son miroir. L’Indopacifique, son horizon.

Et comme toujours, quand la guerre dure, l’économie se plie. Pas seulement l’économie d’État. L’économie privée, civile, technologique. Toutes les structures productives sont sommées de muter, de se militariser sans uniforme. L’entreprise devient bastion. La startup, éclaireur. La supply chain, ligne de front.

Ceux qui l’ont compris se sont adaptés. Ils ont déjà vécu l’entraînement général : le Covid-19. Pendant que les cafés fermaient et que les Z postaient des TikToks sur le yoga et la “reconnexion à soi”, les entreprises apprenaient la résilience par la numérisation. Uber Eats, Zoom, Amazon, Google Cloud, toutes ont compris que survivre, c’était se dématérialiser. Et elles l’ont fait.

Aujourd’hui, la 4e révolution industrielle est là. Pas celle rêvée par Klaus Schwab avec des hologrammes de Davos. La vraie. Celle qui se structure sur la robotique, les drones, les IA militaro-compatibles, l’automatisation des émotions, et la réduction maximale de l’humain dans la chaîne. Le Golden Age américain version Trump. “America First”, mais sans immigrés, sans woke, sans débats.

Les bases sont claires. Réindustrialiser massivement. Purger le doute par la purge migratoire. Former un peuple loyal, homogène, fonctionnel. Le rêve du grand remplacement inversé : remplacer la diversité par la docilité.

Et les Gen Z dans tout ça ? Ils n’ont pas muté.

Ils pensaient être éveillés parce qu’ils ont boycotté Shein ou collé des autocollants “Ce monde n’est pas à vendre” sur les abribus. Ils se croyaient lucides parce qu’ils ont pleuré devant un feed Palestine et applaudi la démission silencieuse. Mais ils ont raté la vraie mue. Celle du monde réel.

Les entreprises, elles, ont fait leurs calculs. Elles ont étudié cette jeunesse instable, insatisfaite, intouchable. Et elles ont changé de stratégie. Plus question de fidéliser. Il faut externaliser, automatiser, contourner. Transformer les salariés en API, les métiers en flux. Les CV sont filtrés par IA. Les entretiens, délégués à un chatbot. Les RH, devenues des algorithmes de conformité légale. L’humain devient variable d’ajustement.

Alors les Z galèrent. La presse titre sobrement : “Le calvaire des Z pour décrocher un emploi.” On leur avait promis une vie de projets, on leur donne des contrats d’intérim et des barres de scrolling LinkedIn. On leur avait dit : “soyez vous-mêmes”. Résultat : ils sont invisibles.

Ils n’ont pas compris le virage. Ils arrivent avec un projet professionnel. Le système, lui, n’a plus besoin de projet. Il a besoin d’opérationnels. D’individus sans ambiguïté, sans engagement, sans surcharge cognitive.

Ils veulent du sens. On leur offre la saturation. Saturation des outils, des jobs bullshit, des objectifs inatteignables, des feedbacks creux. Ils veulent du lien. On leur offre la délégation. Délégation des émotions à l’IA, de la décision à l’algorithme, de la narration à la machine.

Et pendant qu’ils cherchent un manager “inspirant”, le drone prend leur place. Il voit, il agit, il frappe. Sans burnout. Sans syndicat. Sans RTT.

Le monde ne leur a pas volé leur avenir. Il l’a restructuré sans les prévenir. Maintenant, il faudra choisir : s’adapter ou se faire écraser. Mais sans illusion. Il est déjà trop tard pour postuler.

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J. Frantzdy est un analyste politique et géopolitique, fondateur de Hume.Media et créateur du concept Sentinélisme, mais il se décrit comme Filostreamer. Avec son style sarcastique et cynique, il décrypte l’actualité sans concession, mêlant ironie mordante et rigueur analytique. Actif sur TikTok (226K abonnés) et d’autres plateformes, il aborde des sujets complexes avec une approche stratégique et stoïque, s’appuyant sur le rapport de force comme clé de lecture du monde. Ses vidéos oscillent entre humour noir et réflexion profonde, tout en incitant à penser par soi-même. Créateur du format MVM4, il déconstruit les discours dominants avec une grille d’analyse en quatre mouvements : Observation, Identification, Fragmentation, Association/Défragmentation. Sa maxime : "On va tous mourir, oui, mais pas tout de suite."
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