Canada, société de glaise : Mark Carney ou la victoire programmée du consensus

Jean Frantzdy
66 Views
7 Lecture minimale

Mark Carney a été élu. L’ex-gouverneur de la Banque du Canada, passé par la Banque d’Angleterre et les arcanes de la finance mondiale, devient désormais le visage politique du Canada. Pour beaucoup, c’est un gage de sérieux, de stabilité, de compétence. Pour d’autres, c’est un nouveau symptôme d’une société qui a troqué toute volonté contre le confort de la gestion algorithmique. Comment comprendre cette victoire ? Et surtout : que révèle-t-elle de la psychologie politique du Canada ?

Une société du plaisir, sans socle, sans forme

Le Canada, c’est l’enfant poli de la mondialisation. Éduqué, souriant, modéré. Mais surtout : conditionné. Loin d’un peuple enraciné dans une histoire tragique ou fondatrice, le peuple canadien moderne semble être une matière molle, glaiseuse, prise entre les plaques tectoniques du monde anglo-saxon et du rêve américain. Une nation façonnée par la réaction : anti-Trump, anti-pétrole sale, anti-conservatisme patriarcal.

Mais jamais vraiment pro-active.

Dans ce monde-là, le conservateur n’est pas vu comme le père, mais comme le frustrateur de plaisirs. Il n’est pas autorité, mais empêcheur de jouir. L’éthique ? Trop austère. L’effort ? Trop exigeant. Le conservatisme y est caricaturé en punition, alors que le libéralisme, lui, devient permis de consommer : culture, corps, sexualités, produits. Le citoyen n’a pas à choisir entre le bien et le mal : il veut juste vivre tranquillement.

Mark Carney, en cela, n’a pas eu besoin de séduire. Il a suffi qu’il ne déplaise pas.

La fabrique du consentement 2.0

Mark Carney a été élu chef du Parti libéral du Canada en mars 2025, avec un score historique : plus de 86 % des suffrages, gagnant toutes les circonscriptions internes du parti. Une telle unanimité est rare, et elle en dit long.

Ce n’est pas une élection. C’est une validation technique d’un homme perçu comme inévitable.
Carney n’a pas fait campagne comme un politicien. Il a été projeté comme un produit bien conçu, validé par les élites. On pourrait parler de marketing, de psychologie cognitive, de nudge. En fait, il n’a même pas eu besoin de convaincre.

Il a simplement coché toutes les cases comportementales de l’électeur urbain post-politique.
Dans cette logique, le Canada ne vote pas pour des idées. Il vote contre les frictions. Tout ce qui remet en cause la douce marche du consensus est perçu comme une menace. Dans cette perspective, Mark Carney incarne une assurance tous risques. Un CV parfait, une posture technocratique, une expertise financière. Il parle le langage de l’élite éduquée, sans jamais faire appel à la passion, ni au combat.

C’est le modèle Macron : un président-programme, qui gère plus qu’il ne gouverne. Il incarne la victoire du modèle comportementaliste, tel que théorisé par les sciences du nudge : on ne convainc plus, on oriente doucement. On ne choque plus, on stimule les bons circuits cognitifs. L’électeur n’est plus un citoyen, mais un organisme à guider subtilement vers le choix souhaité.

Et ça marche.

Parce que dans un monde saturé de stimuli, la liberté est devenue trop exigeante. On préfère les notifications bienveillantes d’un leader managérial à l’appel inconfortable d’une forme d’héroïsme.

Le biopouvoir du désir

Ce que Mark Carney incarne, au fond, ce n’est pas seulement le capitalisme ou le globalisme. C’est la nouvelle forme du biopouvoir doux, qui ne réprime plus, mais récompense les bons comportements.

Tu veux du plaisir sans conflit ? Vote libéral.

Tu veux du confort climatique sans effort structurel ? Vote pour l’écologie punitive.

Tu veux de la morale sans conséquence ? Deviens “anti-raciste”, “pro-choix”, “pro-diversité”.

La société canadienne est éduquée, certes. Mais suréduquée dans le consensus. Les élites urbaines, les minorités, les femmes diplômées… toutes ces couches se retrouvent dans une forme de gouvernance du plaisir rationnel : pas de vague, pas de vérité qui dérange, pas d’exigence existentielle.

Et ici, une image brutale s’impose.

La société canadienne ressemble à un pédophile qui essaie de lutter contre les sucreries. C’est un combat perdu d’avance : les caries gagnent toujours.

Jean Frantzdy

Ce n’est pas de l’accusation. C’est une métaphore du conditionnement. Quand une société s’accroche à ses petits plaisirs comme à des drogues vitales, elle ne cherche pas à changer le monde. Elle cherche à préserver son buffet. Quitte à céder tout pouvoir politique à ceux qui lui garantissent que la fête continue.

Le conservatisme, lui, devient l’ennemi non pas politique, mais corporel. Il dérange, comme une indigestion. Il est l’odeur de quelque chose de vivant dans un monde qui a tout aseptisé.

Et si tout cela n’était qu’un immense programme de gestion comportementale ?

Mark Carney n’a jamais eu besoin de promettre un destin. Il a seulement promis de ne rien casser. Ce qu’il vend, c’est la préservation : du climat, des identités floues, des banques centrales, du narratif dominant.

Dans une société où le trauma est géré comme une donnée, où l’émotion est algorithmiquement modélisée (voir le programme canadien sur le propranolol pour effacer les souvenirs traumatiques), on ne cherche plus à devenir fort : on cherche à rester calme.

La résilience n’est plus une vertu, c’est une norme d’assistanat thérapeutique. La vie politique devient alors la continuité d’un programme de soins : il ne faut pas bousculer les citoyens, il faut les border. L’électeur est un client, le président devient un infirmier de luxe.

Mark Carney est donc l’homme de son époque : pas un conquérant, mais un tuteur de potager mental.

Le Canada est-il encore une nation ou déjà une extension émotionnelle de la Machine ?

Dans une société de plus en plus mécanisée, comportementalisée, optimisée par le scoring émotionnel et les plateformes technosanitaires, le vrai enjeu n’est plus la droite ou la gauche.

C’est : l’Homme ou la Machine ?

Car dans un monde où tout désir est anticipé, tout traumatisme modélisé, toute dissension neutralisée, il ne reste plus qu’une chose à surveiller : ceux qui refusent de se faire “apaiser”.

Suivre
J. Frantzdy est un analyste politique et géopolitique, fondateur de Hume.Media et créateur du concept Sentinélisme, mais il se décrit comme Filostreamer. Avec son style sarcastique et cynique, il décrypte l’actualité sans concession, mêlant ironie mordante et rigueur analytique. Actif sur TikTok (226K abonnés) et d’autres plateformes, il aborde des sujets complexes avec une approche stratégique et stoïque, s’appuyant sur le rapport de force comme clé de lecture du monde. Ses vidéos oscillent entre humour noir et réflexion profonde, tout en incitant à penser par soi-même. Créateur du format MVM4, il déconstruit les discours dominants avec une grille d’analyse en quatre mouvements : Observation, Identification, Fragmentation, Association/Défragmentation. Sa maxime : "On va tous mourir, oui, mais pas tout de suite."
Laisser un commentaire

Laisser un commentaire