L’Ukraine va perdre la guerre

Jean Frantzdy
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Dans un monde saturé de déclarations officielles, de contre-offensives héroïques, de conférences de presse et de dons d’armes médiatisés, la vérité la plus simple est souvent la plus insupportable : l’Ukraine va perdre la guerre. Non pas demain. Ni d’un seul coup. Mais par épuisement. Par délitement. Par logique historique. Par saturation systémique. Et surtout, parce que la guerre qu’elle mène est structurellement perdue d’avance.

Capture écran du rapport RAND I Photo by kentoh/Getty Images

La RAND Corporation — ce Think Tank américain qui murmure à l’oreille du Pentagone — l’a formulé sans le dire. Son dernier rapport (RBA3141-1), publié le 22 mai 2025, présente froidement une série de cas historiques de guerres de haute intensité, limitées géographiquement, à pertes élevées et sur plusieurs années, de 1815 à nos jours. Un échantillon rigoureux. Douze cas. Douze modèles de guerres comme celle que mène aujourd’hui l’Ukraine contre la Russie. Le verdict statistique est brutal : dans 75 % des cas, l’État attaqué perd.

Et pas seulement militairement. Il perd politiquement, territorialement, parfois jusqu’à son existence. Le Paraguay en 1870 a été rayé de la carte. L’Éthiopie, écrasée par Mussolini. Les Boers annexés. La Corée divisée. Le Vietnam vidé de son âme. Même l’URSS, à force d’envoyer des chars en Afghanistan, s’est autodétruite.

Alors quand on regarde l’Ukraine, il faut oser regarder au-delà des communiqués. Le tableau est connu : une contre-offensive lente, un front figé, une démographie en chute libre, un État exsangue, une Europe fatiguée, une Amérique occupée ailleurs, un Trump en embuscade. À côté, la Russie déroule son entropie impériale : lente, massive, implacable, prête à perdre mille hommes pour avancer de dix mètres.

Et la technologie ? Les drones ? Les munitions intelligentes ? Les systèmes anti-aériens ? Certes. Mais la guerre n’est pas un concours d’innovations. C’est un concours d’endurance. Et sur ce terrain, l’Ukraine est nue. La RAND le confirme en creux : la production industrielle et militaire ukrainienne, malgré ses records, est inférieure au simple souffle d’un État comme la Russie qui a décidé de redevenir un empire.

Le cynisme atteint son sommet lorsqu’on réalise que cette guerre est devenue un banc d’essai. Pour les drones. Pour les IA de combat. Pour les stratégies d’attrition cognitive. Un laboratoire à ciel ouvert pour réinventer la guerre du XXIe siècle — mais sans garantie de survie pour le cobaye.

Alors oui, l’Ukraine va perdre.

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Pas à cause d’un manque de courage. Pas à cause d’une faute stratégique. Mais parce que l’Histoire n’a pas changé de logiciel. Parce qu’un petit pays, même glorifié, même soutenu, ne gagne pas une guerre prolongée contre une puissance nucléaire, industrielle et démographique, sans intervention directe de son camp.

Et cette intervention n’arrivera pas. Parce qu’en Occident, on préfère déléguer. Déléguer la guerre. Déléguer la mémoire. Déléguer la pensée à des IA qui alignent les risques en pourcentages. On délègue jusqu’à notre propre sentiment de responsabilité.

L’Ukraine n’est pas un symbole. Elle est un avertissement.

Et ce qui se joue là-bas, ce n’est pas seulement la fin d’une illusion européenne, c’est la fin d’un monde où la liberté pouvait se gagner sans épuiser tout le sang d’un peuple.

On ne gagne pas contre l’Histoire.

Et en 2025, elle se répète comme un algorithme.

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J. Frantzdy est un analyste politique et géopolitique, fondateur de Hume.Media et créateur du concept Sentinélisme, mais il se décrit comme Filostreamer. Avec son style sarcastique et cynique, il décrypte l’actualité sans concession, mêlant ironie mordante et rigueur analytique. Actif sur TikTok (226K abonnés) et d’autres plateformes, il aborde des sujets complexes avec une approche stratégique et stoïque, s’appuyant sur le rapport de force comme clé de lecture du monde. Ses vidéos oscillent entre humour noir et réflexion profonde, tout en incitant à penser par soi-même. Créateur du format MVM4, il déconstruit les discours dominants avec une grille d’analyse en quatre mouvements : Observation, Identification, Fragmentation, Association/Défragmentation. Sa maxime : "On va tous mourir, oui, mais pas tout de suite."
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