Louis Vuitton, le Lidl du luxe, tandis qu’Hermès s’élève vers l’Olympe

Dans Finance
décembre 17, 2024

L’industrie du luxe, après deux décennies d’une croissance sans précédent, est confrontée à un ralentissement mondial marqué par des dynamiques économiques défavorables et des pressions politiques croissantes, notamment en Chine. Dans ce contexte, Hermès, en se concentrant sur les ultra-riches, continue de prospérer, tandis que des marques comme Louis Vuitton ou Gucci peinent à maintenir leur attrait auprès d’un marché plus large.

Selon The Economist (16 décembre 2024), la croissance du secteur du luxe a été portée par deux moteurs principaux : la mondialisation et la démocratisation. Grâce à la mondialisation, la Chine est devenue le marché central. En 2000, le pays comptait seulement 39 000 millionnaires. En 2023, ils sont 6 millions, soit plus que dans tout autre pays excepté les États-Unis, selon UBS. Cette ascension a permis au marché chinois de représenter 15 % des ventes mondiales de luxe personnel en 2023, contre seulement 3 % en 2000. La démocratisation, quant à elle, a vu des maisons de luxe proposer des articles à des prix plus accessibles, comme les chaussettes Gucci à 200 dollars, afin de séduire une classe moyenne avide de statut social.

Ces deux moteurs sont aujourd’hui en panne. En Occident, les pressions économiques, l’inflation et la hausse des taux d’intérêt pèsent lourdement sur les consommateurs de la classe moyenne. À cela s’ajoute une crise chinoise d’une autre nature. Le JDD (15 septembre 2024) rapporte que le Parti communiste chinois mène une campagne contre le luxe ostentatoire. L’administration du cyberespace efface systématiquement les influenceurs promouvant des modes de vie jugés trop matérialistes. Des figures comme Wang Hong Quan Xing, surnommé le « Kardashian chinois », ont disparu des plateformes telles que Douyin (l’équivalent chinois de TikTok) pour avoir affiché des sacs Hermès coûtant plus de 20 000 euros. Cette répression s’inscrit dans la politique de « prospérité commune » lancée par Xi Jinping en 2021 pour réduire les inégalités économiques et imposer une norme morale prônant la frugalité.

En conséquence, les jeunes Chinois tournent désormais le dos au luxe affiché, certains allant jusqu’à préférer des sacs en plastique pour montrer leur frugalité. Pourtant, selon The Economist, cette tendance est à nuancer : si les dépenses de luxe en Chine continentale devraient baisser de 26 % en 2024, les achats des Chinois à l’étranger, notamment au Japon, continuent de croître, réduisant cette chute mondiale à seulement 3 %.

Ce climat révèle un fossé stratégique entre les maisons de luxe. Hermès, centré sur les ultra-riches et une véritable rareté de ses produits comme les sacs Birkin, a enregistré une croissance de 14 % sur les neuf premiers mois de 2024. En revanche, des marques comme Louis Vuitton, dépendantes de la classe moyenne et des volumes, subissent de plein fouet cette crise. La hausse agressive des prix, perçue comme excessive, aggrave ce désamour. Un sac Dior Lady, par exemple, est passé de 3 200 euros en 2016 à 5 900 euros aujourd’hui, selon HSBC, qui estime que les produits de luxe sont désormais 54 % plus chers qu’avant la pandémie.

Pour certains, l’avenir du luxe repose sur un repositionnement stratégique. The Economist cite l’exemple de Miu Miu (groupe Prada), qui a doublé ses ventes grâce à des campagnes innovantes et des produits audacieux, comme ses culottes à paillettes. D’autres, comme Chanel ou Bottega Veneta, misent sur de nouveaux directeurs artistiques pour raviver leur image, bien que Bernstein estime que les bénéfices de telles stratégies prennent cinq ans à se concrétiser.

Le cas chinois, rapporté par le JDD, illustre un défi plus profond : les maisons doivent désormais composer avec un régime qui cherche à protéger sa culture tout en limitant l’influence occidentale. « Le Parti craint que la jeunesse ne soit séduite par des modes de vie individualistes et matérialistes », explique Chen Xiao, professeur de communication à Shanghai. Une campagne d’« influenceurs modèles » vise ainsi à promouvoir des contenus patriotiques et plus conformes aux valeurs socialistes.

Dans ce contexte, Hermès et d’autres maisons axées sur les ultra-riches restent résilientes, tandis que Louis Vuitton et ses semblables doivent reconstruire leur image d’exclusivité perçue pour séduire un marché devenu exigeant et complexe. Si la Chine demeure le marché clé du futur, elle impose désormais ses propres règles : une nouvelle modernité, où le contrôle et la frugalité dominent, s’oppose frontalement à la consommation ostentatoire d’un luxe jadis triomphant.

SourceLien
JDDhttps://www.lejdd.fr/international/en-chine-le-regime-communiste-sattaque-au-luxe-occidental-149486
The Economisthttps://www.economist.com/business/2024/12/16/why-louis-vuitton-is-struggling-but-hermes-is-not
BRAIN (Cabinet de conseil)https://www.bain.com/contentassets/c282212de3504629a9f136971d51e01e/2023_barometre-amcham-bain.pdf
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