La France, un pays façonné par les mythes
La France, une nation fondée sur des mythes ancestraux, continue de vibrer sous l’influence de récits symboliques, tantôt héroïques, tantôt tragiques. Dans ce voyage à travers la mythologie grecque, la Révolution de 1789, et les grandes figures de son histoire, la France est un pays où chaque décision politique, chaque crise, et chaque élection sont le reflet de récits mythiques qui se rejouent à l’infini. Aujourd’hui, nous plongeons au cœur de ces mythes, à travers l’analyse psychologique de Michel Barnier, figure complexe de la scène politique, et la situation politique actuelle.
La mythologie grecque comme fondement de la société française
Les racines mythologiques grecques et romaines sont profondément ancrées dans la culture française. Les dieux et déesses de l’Olympe sont plus que de simples personnages de récits antiques : ils ont contribué à façonner les fondations des institutions et des symboles de la société française contemporaine.
Prenons l’exemple du Palais de l’Élysée, résidence officielle du président de la République française. Ce nom tire son origine des “Champs Élysées” de la mythologie grecque, qui étaient considérés comme le paradis des héros vertueux après la mort. C’est là que les héros reposaient après leurs grandes batailles. Le symbole est fort : les présidents français se présentent comme les protecteurs de la nation, les guides des grandes épopées contemporaines, à l’instar des héros mythologiques.
Le Champ de Mars, l’un des lieux les plus emblématiques de Paris, n’est pas en reste. Il fait référence à Mars, le dieu romain de la guerre. Ce lieu a accueilli de nombreux événements militaires, des défilés aux grandes manifestations. L’association du Champ de Mars à la guerre renforce l’idée que la France, bien que moderne, est un pays né et forgé par le conflit et le pouvoir militaire. Louis XIV, surnommé le “Roi Soleil”, a incarné cette puissance guerrière, tout comme Napoléon Bonaparte, qui a inscrit la France dans la mythologie militaire européenne en tant que puissance incontestable.
Ces éléments mythologiques ne sont pas de simples anecdotes historiques. Ils montrent à quel point la société française est influencée par des récits anciens, où la guerre, l’héroïsme et la gloire sont au cœur des actions politiques. Les figures politiques contemporaines, telles qu’Emmanuel Macron, Marine Le Pen, ou encore Michel Barnier, continuent de jouer ces rôles, réincarnant les héros et les dieux de l’Olympe dans la scène politique actuelle.
La Révolution de 1789 – un mythe fondateur et intemporel
La Révolution française de 1789 est souvent perçue comme l’un des moments les plus mythiques de l’histoire moderne de la France. Elle incarne l’esprit de rébellion contre l’oppression, un mythe fondateur qui résonne encore dans le cœur des Français aujourd’hui. Mais derrière les faits historiques, se cache un récit symbolique qui a donné naissance à une nouvelle mythologie politique.
L’abolition des privilèges en 1789 n’était pas seulement un acte de justice sociale. C’était une réécriture de la mythologie prométhéenne, où, comme Prométhée défiant les dieux pour apporter le feu aux hommes, les révolutionnaires ont défié la monarchie pour apporter la liberté, l’égalité et la fraternité au peuple français. Ce moment mythique de rupture a marqué la société française pour les siècles à venir. Il a créé une matrice qui pousse la gauche française, encore aujourd’hui, à revendiquer ce rôle de défenseur des opprimés.
Mai 68 s’inscrit dans cette continuité. Les étudiants et les ouvriers qui ont occupé les rues de Paris ne faisaient que réactiver ce mythe révolutionnaire. Ils cherchaient à renverser un système qu’ils jugeaient figé et oppressif, tout comme leurs ancêtres de 1789. On pourrait dire que chaque grande crise sociale en France, qu’elle soit liée aux retraites, aux Gilets Jaunes, ou à d’autres causes, est une réactivation de ce mythe révolutionnaire, où le peuple prend d’assaut les institutions pour redéfinir le contrat social.
La mythologie des partis politiques français – répétition des récits mythiques
En France, chaque parti politique s’inscrit dans un récit mythique bien établi. La gauche, héritière directe des idéaux de 1789, se voit comme la force qui s’oppose à l’injustice et défend les droits des opprimés. C’est une réactivation constante du mythe révolutionnaire. Les grandes figures de la gauche, telles que Jean-Luc Mélenchon ou encore François Mitterrand, sont les nouveaux Prométhée, cherchant à libérer le peuple des chaînes du capitalisme ou de l’oppression d’État.
La droite, quant à elle, puise dans d’autres mythes. Elle se réclame des réformateurs comme Solon dans la Grèce antique, qui ont cherché à rétablir l’ordre et l’équilibre dans la cité en proposant des réformes sociales. Mais plus que cela, elle s’inspire des figures guerrières telles que Napoléon, incarnant l’ordre et la grandeur militaire. C’est l’idée que seule la force peut garantir la stabilité et la prospérité de la nation. On retrouve cette posture chez les figures politiques comme Nicolas Sarkozy ou même Michel Barnier, qui se positionne dans la droite gaulliste, cherchant à perpétuer cet héritage de grandeur nationale.
Le centre, avec les macronistes en tête, représente un autre récit mythique : celui des explorateurs et des innovateurs. Ils se veulent l’héritiers des découvreurs de nouveaux mondes, comme Christophe Colomb en 1492. Ce sont les entrepreneurs, les scientifiques, ceux qui explorent les nouvelles frontières économiques et technologiques. Emmanuel Macron lui-même incarne cet esprit d’ouverture, cherchant à moderniser la France à travers des réformes économiques et sociétales qui favorisent l’innovation et l’entreprise.
Enfin, l’extrême droite, représentée par le Rassemblement National, est un mythe en soi. C’est le mythe du gardien, celui qui protège les frontières de la cité contre les envahisseurs, incarnant la peur de l’autre, du changement, de la mondialisation. Marine Le Pen et Jordan Bardella se posent en défenseurs de cette France éternelle, celle qui refuse de se laisser diluer dans un monde en perpétuel mouvement.
Michel Barnier – entre persona et ombre, une individuation inachevée
Michel Barnier, cet homme public au parcours impressionnant, est l’exemple parfait de ce que Carl Jung appelle la persona, ce masque que nous portons pour faire bonne impression en société. En tant que grand diplomate, négociateur en chef du Brexit pour l’Union européenne, Barnier a longtemps cultivé cette image d’intégrité, de loyauté aux idéaux républicains et gaullistes. Mais comme le souligne Jung, derrière chaque persona se cache une ombre, cette partie de nous que l’on préfère garder cachée.
Pour Barnier, cette ombre est celle d’un homme dont les valeurs sont bien plus flexibles qu’il ne le laisse paraître. Derrière le masque de l’homme intègre, se trouve un ambitieux qui n’hésite pas à faire des compromis pour servir ses objectifs personnels. Lorsqu’il accepte de devenir Premier ministre sous Emmanuel Macron en 2024, il trahit en quelque sorte ses propres principes. Il passe d’un serviteur de l’Europe à un partenaire politique d’un président qui a réprimé durement les manifestations et imposé des réformes controversées. Mais pourquoi un homme comme Barnier accepterait-il un tel poste ? Probablement parce que, comme l’explique Jung, il n’a jamais achevé son processus d’individuation.
L’individuation, c’est ce processus par lequel un individu réunit toutes les facettes de sa personnalité, y compris celles qu’il cache dans son ombre. Chez Barnier, ce processus semble incomplet. En acceptant de se compromettre politiquement, en cherchant constamment à prouver qu’il est encore pertinent (comme lors de sa passation de pouvoir avec Gabriel Attal), Barnier montre qu’il est encore en quête de reconnaissance, loin de l’idéal du vieux sage qu’il tente d’incarner.
Le Parlement bloqué – quand la mythologie politique devient réalité
En 2024, après des élections législatives anticipées, le Parlement français se retrouve bloqué. Emmanuel Macron, après avoir dissous l’Assemblée nationale à la suite d’une défaite aux européennes, espérait redéfinir la majorité parlementaire. Pourtant, avec 193 députés pour le NFP, 166 pour Ensemble (les macronistes), 142 pour le Rassemblement National et seulement 47 pour la droite, aucune majorité n’émerge.
Ce blocage parlementaire est une répétition d’un autre mythe français : celui de la division et de l’incapacité à gouverner. Macron refuse de s’allier avec le Rassemblement National, mais sans leur soutien, il est impossible de gouverner. Marine Le Pen et Jordan Bardella tiennent alors les clés du pouvoir, comme Hadès tenant les clés des Enfers. Leur ascension, autrefois impensable, devient inéluctable.
Michel Barnier, nommé Premier ministre, se retrouve dans une position délicate. Son rôle de sage diplomate ne suffit plus. Il doit manœuvrer dans un paysage politique fragmenté, où les alliances sont précaires et les trahisons fréquentes. Mais comme le dit Sartre dans L’Existentialisme est un humanisme, “l’Homme est de mauvaise foi”. Chaque acteur politique prétend suivre des idéaux, mais au fond, ils sont tous guidés par leurs propres ambitions.
Le mythe du destin inévitable
Comme le destin de Prométhée, enchaîné à un rocher pour l’éternité, la politique française semble condamnée à rejouer les mêmes mythes encore et encore. Que ce soit à travers la Révolution de 1789, la grandeur napoléonienne, ou les tensions politiques actuelles, la France ne cesse de répéter ses récits mythiques. Macron, Barnier, Le Pen… tous jouent des rôles écrits il y a des siècles. Et malgré les tentatives de résistance, le destin de la rivière, c’est toujours de rejoindre la mer. Le barrage ne fait que retarder l’inévitable.